La Vipère et les Poulets

La Vipère et les Poulets


05 - 09 - 2020

Allez ! C’est parti pour une petite fable. De La Fontaine, tiens-toi bien !

Tenue des scores au moment des faits, 17 descentes à l’actif du chat, soit bientôt 100km cumulés. Pépère.


Jeudi 30 juillet - Prologue

Comme à son habitude, Gérard profite des températures plus clémentes de la fin de nuit pour reprendre son itinéraire favori - oui, toujours le même, le long de l’Oyonne jusqu’à Entre-Deux Villes, puis le long du bord du lac jusqu’à l’ancienne maison. Môssieur est un romantique, il apprécie le lever de soleil sur le lac…

Pendant ce temps à St-Légier, nous nous réveillons et constatons que, pour la dix-huitième fois, Gérard est redescendu (vous commencez sûrement à comprendre la rengaine). Or, on est jeudi, nos boulots respectifs nous appellent et surtout, on est las de se précipiter à la “rescousse” d’un chat habité par cette obsession de vagabonderie… Donc on va pour notre journée dans la canicule de l’été, et on se dit qu’on ira chercher Gérard le lendemain, jour où j’ai congé.

Vendredi 31 juillet - La chasse

Inéxorablement, le lendemain de la veille, c’est aujourd’hui, et nous descendons dans la soirée de ce vendredi, avec ma compagne pour aller chercher Gérard, dont le point GPS indique qu’il serait en train de se prélasser dans un de ses jardins préférés attenant à la Place du Marché. Arrivés sur place, force est de constater que la place du marché grouille de voitures et de monde, mais que mon chat brille par son absence. Nous passons un peu plus d’une heure dans le coin à l’appeler et le chercher, et finissons par rentrer bredouilles.

Samedi 1e août - Le sauvetage

Le matin suivant la recherche infructueuse, nous sommes très intrigués par le point GPS de Gérard qui semble ne pas avoir bougé depuis de (trop) nombreuses heures. Il indique que Gérard serait dans le jardin de l’ancienne maison depuis longtemps la veille, et le point de la veille à la place du marché serait un bug de position. Vers 10h du matin, munis de la caisse à chat, nous nous rendons donc aux abords de la maison - condamnée, je le rappelle. Dans cette situation, pas vraiment d’autre choix pour chercher le chat, escalader le mur du jardin qui donne sur la rue, et se faufiler parmi les hautes herbes à la recherche du fauve. Je m’aventure donc en premier, et je parviens à voir mon chat dans les buissons. Il a l’air un peu groggy et miaule légèrement quand il me voit. Probablement la chaleur, me dis-je sur le moment.

Je m’approche doucement de lui pour essayer de le faire venir, et là, il a un mouvement de recul qui fait que son collier GPS se croche dans une branche. Avec un peu de force, le collier de sécurité se détache (mécanisme obligatoire pour éviter les strangulations accidentelles). Du coup, me voilà bien avancé. J’ai dans la main le collier GPS de mon chat, et ledit chat s’est faufilé hors de vue dans les buissons. Je retourne donc un peu penaud vers ma compagne qui faisait le guet au pied du mur et lui explique la situation. Je lui demande si elle peut passer elle dans le jardin, car Gérard a tendance à s’approcher plus volontiers d’elle que de moi.

Elle entre donc dans le jardin par le même moyen que moi, en grimpant le mur et franchissant la haie. C’est à ce moment-là que la voisine de l’immeuble d’en-face nous interpelle en nous disant qu’elle a bien vu Gérard depuis la veille et qu’il lui semblait l’avoir vu boiter. Super. Après de longues minutes de recherches très douces pour ne pas effaroucher l’animal et éviter qu’il fuie dans Vevey et qu’on ne puisse plus le localiser, on arrive finalement à le capturer et le mettre dans la caisse à chat.

En chemin pour rentrer à St-Légier, on constate effectivement que la patte de Gérard est enflée et que quelque chose ne va pas. Allô le vétérinaire ? Ha oui, c’est le 1e août, jour férié. On appelle donc le vétérinaire de garde qui nous donne RDV en urgence en début d’après-midi et qui nous intime de garder Gérard au calme, à l’intérieur avec de l’eau d’ici là…


Arrivés à St-Légier autour de 11h30, on installe le blessé dans une chambre, et on décide enfin de s’octroyer notre petit déjeuner - un peu tardif. À peine la première morce de croissant attaquée que la sonnette extérieure retentit. Je me penche au balcon pour voir qui ose nous importuner un samedi à midi, et je vois au pied de l’immeuble deux uniformes de gendarmes, avec des gendarmes dedans. Ils nous demandent s’ils peuvent discuter avec nous quelques minutes. C’est plus difficile à décliner que des témoins de Jéhovah donc on les invite à monter et on les accueille sur le seuil d’entrée.

Leur question ne se fait pas attendre:

Est-ce que vous avez pénétré dans une propriété privée à Vevey ce matin ?

Regards dubitatifs entre ma compagne et moi, et on comprend que les explications vont être nécessaires… Donc on détaille aux deux policiers que oui, nous étions bien dans une propriété privée quelques minutes auparavant, mais qu’il s’agit de mon ancien domicile et que je peux produire l’extrait de bail si nécessaire. Nous leur expliquons que mon chat a des tendances conservatrices en termes d’immobilier, que c’est sa dix-huitième récidive, et qu’il faut bien qu’on aille le récupérer. On leur propose même de voir le fautif dans sa pièce de convalescence. Heureusement, les policiers sont très compréhensifs, et rigolent même un peu de la situation. S’en suit la question à laquelle on ne s’attendait pas:

On nous a signalé que vous aviez une caisse à outils, c’est pour forcer la porte ?

À nouveau, démonstration, preuves à l’appui de la différence entre une caisse à outils et une caisse à chats, rigolade, et on est tous potes !

On insiste auprès des gendarmes sur le fait que ces fugues vont inévitablement se reproduire, et qu’il se peut qu’on soit contraints aux mêmes acrobaties dans le futur. Alors ils prennent le signalement du chat et notent la situation pour avertir leurs collègues du centre de commandement et s’assurer qu’on ne soit plus embêtés. Gérard a un casier. Super.

Samedi 1e août - Un véto, deux vétos…

Suite et fin de cette aventure, le RDV d’urgence de l’après-midi ainsi que les deux RDV suivants chez le vétérinaire ne révèlent pas de fracture mais une probable morsure de vipère. Résultat des courses, une semaine de confinement (à nouveau), antibiotiques dose mammouth, et ce qu’on espère être une bonne leçon pour Gérard.

Pour finir, la patte du grand blessé s’est parfaitement remise, il n’a pas du tout apprécié d’être confiné, et surtout, il n’a rien appris. Quelque jours après la fin de sa convalescence, surprise ! Vevey.

Une tête de mule, ce chat !